12 juin 2014

Rio Loco & noche loca toulousaine avec mon ami Roberto


Bon Roberto tu m'excuseras, je pensais qu début d'appeler R. ou changer ton nom en Rodolfo ou Rodrigo, mais franchement, cela aurait manqué de saveur. Donc au diable l'anonymat.

Roberto je t'ai connu il y a des années de cela, sur la piste d'un bar salsa à Toulouse, bien avant de fouler le sol de ton pays. Tu étais chaud comme de la braise et je me suis dit "quel petit rigolo ce latino, qui drague en dansant la salsa". Forcément, tu dénotais, mes autres cavaliers français étant plus concentrés sur leurs pas que sur la musique en elle-même ou sur le charme éventuel de leur partenaire. Non, tu n'étais pas le champion du monde de la salsa, mais tu avais le rythme, tu improvisais, et surtout,  tu te marrais. [Si des salseros me lisent ici, arrêtez de faire le concours du nombre de fois où vous nous faites tourner, sentez la musique, n'enchaînez pas comme des machines les pas que vous avez appris en cours !!! ]. En bonne française, j'ai pensé que tu abusais un peu quand même et je t'ai demandé d'où tu venais. "D'Argentine" m'as-tu répondu, en me dégainant ton regard de braise et ton sourire de winner. "Pauvres petites françaises qui doivent tomber comme des mouches" j'ai pensé ! Pour des raisons que l'on connait toi et moi, tu es toujours resté sage et "caballero", et j'ai pu devenir petit à petit ton amie. Puis par la suite, en m'installant à Buenos Aires, nous sommes devenus en quelque sorte des miroirs réfléchissants, chacun vivant dans la ville de l'autre. Je ne compte pas les conversations skype et séances de débriefing que nous avons eues sur nos expériences respectives, moi dans ton pays et toi dans le mien.
Lors du Mundial de 2010, comme j'étais en France, c'est avec toi et tes compatriotes que j'ai regardé les matches d'Argentine car qui d'autre pouvait me faire sentir comme dans ton pays ? Qui d'autre pouvait aussi bien me comprendre lorsque je me plaignais des hommes argentins ? Et qui d'autre que moi pouvait mieux comprendre tes coups de gueule contre la vie à la française ?

Je sais que tu me lis sur ce blog, attentivement, alors j'ai d'autant plus envie de te rendre hommage et de te remercier pour la leçon d'ArgentinAttitude que tu m'as donnée hier soir. Comme je suis en ce moment en vacances en France, je n'ai pas voulu rater le festival toulousain de Rio Loco et le concert d'Oscar D Leon. On s'y est donc retrouvés. Je pensais naïvement qu'un mardi soir, une fois le show terminé, on rentrerait tranquillement chez toi, puisque tu m'hébergeais, et qu'on discuterait un peu avant de se coucher. Grave erreur. Erreur de débutante. J'ai pensé en bonne française, tu as agi en bon argentin. Et ici commence le récit de notre "noche loca" et des enseignements que j'en ai retirés.

Le concert terminé, vers 23h15, toutes les lumières se rallument sur la Prairie des Filtres. La 2ème partie de soirée commence. Nous passons une bonne heure encore près de la buvette. Nous sommes avec toute une ribambelle d'amies filles, des amies à toi, et des vrais amies j'entends. Une situation qui me semble irréelle car je te vois entouré de toute cette gent féminine et je pense que si nous avions été dans ton pays, tu aurais été entouré exclusivement de mâles. Une heure passe. Nous rejoignent tes deux amis cubains, et là, forcément, le vent commence à tourner. Nous traversons le pont Neuf, arrivons au bar du Filochard, et croisons ton copain J qui nous propose aussitôt d'aller chez lui, dans cet appartement familial dans lequel il vit encore le temps de le vendre. Tu m'expliques alors que tu rêves de connaître la maison de J, qui semble sortie tout droit d'un film de costumes.  Honnêtement, si cela ne tenait qu'à moi, j'irais bien me coucher mais la visite de la maison me tente quand même.

Troisième partie de soirée, 00h45, on rentre dans un hôtel particulier, comme seule Toulouse en recèle, une de ces demeures cachées par un grand portail de 3 tonnes, donnant sur une grande cour intérieure pavée. Au fond de la cour, un large hall d'entrée et un escalier de pierre, magistral. On monte au premier étage, J nous ouvre sa porte. Là nous accédons à la première d'une interminable série de pièces, trois mètres de hauteur sous plafond, fenêtres aux dimensions géantes, plancher en bois grinçant, meubles d'époque, miroirs, lustres et cheminées dans chaque pièce. Hallucination générale. On suit J dans cet enfilade de pièces jusqu'à arriver à la dernière, depuis laquelle il ouvre une porte-fenêtre et nous montre une grande terrasse. Rien que ça. On sort les vieux fauteuils du salon et on s'installe dehors, à la lumière de la lune et des éclairages de la ville. Nous faisons tous plus amples connaissance. Tes amis cubains artistes me racontent comment ils ont fini par sympathiser avec les flics qui sont venus x fois chez eux constater des tapages nocturnes. Ils m'expliquent qu'ils ne comprennent pas encore où et comment il est autorisé de faire la fête en France. Ils commencent ensuite à pousser la chansonnette, nous expliquent que ce sont des des chansons de "terrassa", que l'on chante entre amis à Cuba, quand on est dehors, en terrasse. Là-bas quelqu'un commence à chanter un air et les amis accompagnent, font les choeurs ou marquent le tempo avec les instruments ou les objets qu'ils ont sous la main. On les écoute, admiratifs. Je leur demande de chanter un air connu, et nous voilà tous partis sur "Dos gardenias para ti".


Poésie totale, au clair de lune, ça ricane, ça chante et ça parle fort. On regarde les fenêtres voisines, dans la crainte de voir apparaître un ronchon, mais non, alors on continue. Je commence un peu à fatiguer.

Quatrième partie de soirée, 01h30, on décide de quitter l'appartement, pour revenir au bar du Filochard. Mais J nous explique qu'il a tout un tas de babioles intéressantes pour nous les filles, une boîte de bijoux de famille en toc, et que c'est libre service avant que les antiquaires ne vident tout. Commence alors avec les filles l'essayage de colliers à perles et strass, façon soirée déguisée, devant un miroir d'époque. Puis s'en suivent des séances photos et poses royales dans les fauteuils, manière d'immortaliser ce petit Versailles. C'est drôle, cela m'amuse un moment, mais je me languis de mon canapé lit, et je te le dis. Tu rigoles. Tu m'expliques que je pensais peut-être passer un mardi à la française, avec un argentin "françaisisé", mais que non, chassez le naturel il revient au galop. Ce soir "on passe une soirée à l'argentine", donc "tardive" (je sens déjà que je vais voir l'aube dans quelques heures)," irréelle, inattendue, et pleine de rebondissements". Je commence à te haïr car je ne connais que trop bien les nuits argentines, et je râle ouvertement. Merde, on est mardi soir, j'ai sommeil quoi !

Cinquième partie de soirée, 02h00, on décolle finalement de l'hôtel particulier. Les diverses bières que tu as ingurgitées commencent à te faire effet, tu marches bras dessus bras dessous avec tes amis cubains, "tes frères". Je sens que tu es parti pour faire la fête toute la nuit. Une de tes amies me propose gentiment de m'héberger, elle habite à deux pas de là, et j'entrevois mon rêve : un canapé ou un matelas où m'allonger. Je t'en parle et tu me dis que c'est niet, que ce soir c'est toi qui m'héberge, et tu me promets qu'on va y aller. Le ton monte, je pourrais dormir là tout de suite dans 5 minutes et tu pourrais continuer la fiesta. Mais non. Je capitule et accepte de te suivre. OK, on y va, sauf qu'il faut raccompagner avant une de tes amies jusqu'à chez elle. On retraverse le pont Neuf, on arrive à Saint Cyprien. Puis on cherche un vélib. Evidemment il n'en reste qu'un à la station la plus proche. Je te déteste. On marche jusqu'à la suivante. Je bous intérieurement. Alléluia, on en trouve finalement deux et nous voilà partis sur nos deux roues. Je veux mon lit.

Sixième partie de soirée, 02h30, retour en vélo. Tu t'enflammes et tu veux refaire le monde, ou du moins refaire Toulouse. En pédalant. Tu ne comprends pas qu'il n'y ait pas de taxis dans cette ville. En Argentine c'est tellement courant. Rien n'est fait pour permettre aux gens de sortir, de veiller. Maintenant on ne peut pas trop se plaindre, on a les Vélib, mais avant ? Pourquoi on ne laisse pas davantage de taxis en circulation. On réprime tout le temps l'esprit de la fête. Si on fait du bruit dans la rue, c'est un trouble à l'ordre public. Si on fait du bruit chez soi, c'est tapage nocturne. On ne peut pas parler fort, écouter de la musique, passée une certaine heure. On doit toujours faire attention, se réprimer. Pas étonnant que les français, quand ils vont à un concert, se contentent de hocher la tête quand en Amérique du Sud on saute partout. Moi je pédale et t'écoute, en mode ronchon.
Alors tu me mets les points sur les i, gentiment, et à juste titre.
- "Je suis chiante, je ne sais pas profiter d'une soirée exceptionnelle."
- "Cela fait des lustres qu'on ne s'est pas vus et je veux dormir à minuit sous prétexte qu'on est un mardi soir"
- "N'ai-je pas passé une soirée pleine de surprises ?"
- "N''ai-je pas rencontré des personnes étonnantes ?"
- "Je suis une "hincha bola" (casse-bonbon)".
-" Je vais les avoir mes heures de sommeil, donc aucune raison de faire ma crise"
Tout en pédalant, je me dis que tu as carrément raison et que sous prétexte d'être fatiguée je n'ai pas hésité à te transmettre ma mala onda, sans réaliser que nous passions de très bons moments. Aurais-je fais le même cinéma à Buenos Aires ? Est-ce possible de redevenir rigide en aussi peu de temps juste parce que je suis dans mon pays ?
- "Oui tu as insisté pour que je dorme chez toi, parce que demain matin, on sera bien, on boira du maté ensemble". Putain je n'y avais même pas pensé à ça. Avec qui d'autre je peux partager un bon maté en France ?
- "La vie c'est ça, c'est pas toujours prévisible, et heureusement." J'avais eu tendance à l'oublier.
On arrive chez toi, la station Vélib est pleine, donc impossible de laisser là nos vélos. J'en rigole maintenant. On pédale jusqu'à la suivante. Il en reste juste une et je mets mon vélo. Comme tu es galant, tu me dis qu'on va chez toi, comme ça Mamie Fanny pourra se reposer, et que tu ressortiras après chercher une place pour ton vélo.Royal.

Septième partie de soirée, 03h00. Je suis soulagée et heureuse d'être enfin sur ton canapé. On commence à tchatcher. De ton dernier chagrin de amor, de mes histoires. De Toulouse, de Buenos Aires. De vivre ici, de vivre là-bas, de revenir ici, de revenir là-bas. Comme cela était prévisible, les heures passent, il est 06h00, Toulouse s'éveille. On décide qu'on a assez parlé, qu'on reprendra la suite au réveil avec un maté.

Le jour suivant, mon programme toulousain est forcément modifié car on se lève à midi. Vient le maté, vient le plat de pâtes, et la conversation continue, jusqu'à 15h00. On passe en revue mille et une histoires, de coeur évidemment. Car au final on est là pour ça non, parler de ce qui compte, vraiment, et de profiter de chaque instant, et surtout le présent.
Muchas gracias Roberto !


2 commentaires:

Unknown a dit…

Es el que tiene razon! No solo xq es argentino, tambien xq sos la mujer :-D

María Isabel a dit…

Trop beau, tu me fais penser à mon petit pays, son peuple, sa jungle sociologique et la philo de rue, que fait rentrer les rayons du soleil dans des vies rythmées suivant par des contraintes de toute sorte.
Moi que j'habite au Tarn et en travaillant à Toulouse, je me sens encore plus près de ton écrit, les endroits, les rues, les vélos! je suis tombée par hasard sur ton blog, je me demande vraiment si mes pensées m'ont amené inconsciemment vers ton post... 😉
En tout cas merci